Judo Canada présente son tout premier Sommet féminin pour promouvoir l’équité des genres

Le défi 

Judo Canada explique que l’un de ses plus grands défis est « le faible taux de participation et de rétention des femmes en tant que judokas et membres du personnel ».   Le judo est un sport à prédominance masculine, et ce, à tous les niveaux : participants, entraîneurs, membres du conseil d’administration et arbitres.  Depuis 2002, seulement 24 p. 100 des personnes qui évoluent dans ce sport sont des femmes.   

La solution offerte par le Fonds WISE 

En juin 2018, après avoir obtenu une bourse du Fonds WISE, Judo Canada a invité des femmes de partout au pays à assister au tout premier Sommet féminin de judo de Montréal.  Lors de l’événement, des thèmes comme la nutrition, les facteurs psychologiques et sociaux et d’autres enjeux liés à l’équité des genres dans le sport ont été abordés par des conférenciers et analysés dans le cadre d’ateliers.  Nicholas Gill, le directeur général de Judo Canada, a donné le ton en effectuant un survol de la situation et en expliquant pourquoi l’accroissement de la participation des femmes jouait un rôle important dans la stratégie à long terme de l’organisation.   

Les résultats 

Un rapport publié suite à la présentation du Sommet révélait que les filles abandonnaient le judo à l’adolescence pour différentes raisons, y compris le fait qu’il s’agit d’un sport mixte jusqu’à l’âge de 12 ans pour les filles et les garçons dans les clubs et les compétitions au Canada. Certaines jeunes athlètes craignent de se blesser ou mentionnent qu’il est difficile de maintenir un poids réglementaire.  La culture du sport fait également partie du problème.  Les femmes qui assument la fonction d’entraîneur ou d’arbitre sont peu nombreuses, et elles mentionnent qu’il est parfois difficile d’obtenir le respect de certains hommes dans ce sport, bien que leurs comportements soient subtils. 

Cinq recommandations ont été formulées dans la foulée du Sommet, y compris en ce qui concerne l’adoption d’une approche plus délibérée pour favoriser l’avancement des femmes qualifiées dans la structure du judo, que ce soit à titre d’entraîneures, de membres du conseil d’administration ou dans d’autres postes de leadership.   Les autres recommandations portaient notamment sur la nécessité de mieux outiller les femmes en leur offrant de la formation qui leur permet de dépasser le plafond de verre et d’accéder à des postes décisionnels.  Le rapport soulignait en outre que les hommes devraient aussi suivre de la formation afin de soutenir les femmes qui obtiennent ces postes.  Enfin, les auteurs du rapport recommandaient une sensibilisation accrue, particulièrement afin que les femmes connaissent les différents parcours qui s’offrent à elles lorsque leur carrière prend fin. La création d’un programme de reconnaissance à l’intention des femmes qui sont des modèles inspirants dans le sport était aussi prônée.  Émilie-Claude Leroux, membre du comité féminin de Judo Canada, explique qu’il s’agit d’une priorité pour l’organisation.  « Notre objectif consiste à braquer les projecteurs sur les femmes qui évoluent au sein de la collectivité du judo, qu’elles soient athlètes, dirigeantes ou arbitres.  Nous avons tenu des événements réservés aux femmes et nous avons invité d’anciennes athlètes de talent à assister aux camps et aller dans les écoles afin que la jeune génération puisse voir qu’elles sont des modèles. » 

Les leçons 

Les participantes ont souligné l’importance de ce Sommet féminin, qui leur a permis d’aborder certains enjeux propres au sport avec franchise. 

L’un des principaux points qui sont ressortis de l’événement est le souhait de nommer une femme qualifiée au poste d’entraîneure de l’équipe féminine au centre national d’entraînement.  Le poste est affiché et sera comblé en vue du prochain cycle olympique. 

À la suite du Sommet, une des associations provinciales de judo a créé un comité féminin et d’autres organisations ont offert des camps de judo axés sur le plaisir aux filles.  « Beaucoup d’entre eux (organismes provinciaux de sport) agissaient déjà, mais je crois qu’en prenant des initiatives, ils ont eu l’impression d’avoir plus d’influence sur les résultats », explique Émilie-Claude Leroux.  Elle ajoute que les organismes se sentent parfois dépassés par l’ampleur des enjeux. Elle leur conseille alors de tout simplement se lancer dans le processus, même si la portée de leurs gestes est modeste.  « Les gens étaient vraiment heureux d’amorcer ce dialogue et de faire entendre leur voix. » 

Les histoires 

Aartje Sheffield 

  • Participante au Sommet féminin de Judo Canada 
  • Présidente de Judo Ontario  
  • Arbitre et entraîneure de judo 
  • Triple championne canadienne de judo 
  • Membre de l’équipe nationale de 1984 à 1994 

L’une des participantes au Sommet a fait figure de pionnière du judo tout au long de sa vie. 

Aartje Sheffield a une longue feuille de route, d’abord en tant qu’athlète, puis comme entraîneure, arbitre et présidente de Judo Ontario.   

Elle explique que le Sommet féminin est une occasion de premier plan pour examiner la question de l’équité des genres dans le sport.  

« Comme c’est un événement réservé aux femmes, celles-ci peuvent se réunir et communiquer franchement, ce qui est parfois complexe dans un environnement à prédominance masculine comme le judo, où les dirigeants ont souvent une forte personnalité. »  

Il y a six ans, lorsqu’Aartje Sheffield est devenue présidente de Judo Ontario, elle était la seule femme à la tête d’une association provinciale.  D’autres femmes ont depuis accédé aux mêmes fonctions.  Elle affirme toutefois que ce parcours n’est pas dû au hasard.  Il doit être orchestré de manière délibérée. 

« Pour attirer davantage de femmes, il faut donner l’exemple et, lorsque les femmes font du bon travail, cela renforce aussi le sentiment d’acceptation parmi les hommes qui évoluent dans le sport. » 

Elle ajoute ce qui suit : « Ce ne sont pas tous les hommes qui ont besoin d’être convaincus, mais cela s’applique vraisemblablement à certains d’entre eux. » 

Elle indique que les femmes sont prêtes à s’impliquer et à assumer des fonctions de leadership.  L’expérience lui a cependant enseigné qu’elles doivent être approchées différemment. 

« Si vous souhaitez que davantage de femmes remplissent des fonctions de leadership, vous devez trouver les bonnes personnes et les encourager à poser leur candidature. Beaucoup de femmes possèdent les compétences voulues mais croient qu’elles ne peuvent pas faire ce travail.  Il faut leur parler et leur expliquer ce qu’elles ont à offrir à l’organisation. Vous devez leur faire comprendre pourquoi vous voulez qu’elles occupent ces postes. » 

Aartje Sheffield mentionne avoir elle-même reçu de tels encouragements à ses débuts, et elle ajoute que l’importance accordée à l’équité des genres est un aspect positif pour le judo. 

« À mes débuts, lorsque j’ai participé à mon premier tournoi, j’étais la seule femme arbitre. Lors du plus récent tournoi présenté en Ontario, près de la moitié des arbitres étaient des femmes. » 

Il en va de même au sein du conseil d’administration de Judo Ontario, dont près de la moitié des membres sont aujourd’hui des femmes. 

Aartje Sheffield estime qu’il faut du temps pour changer la culture du sport, mais elle constate qu’il y a déjà des améliorations considérables, aussi bien sur le tatami que dans les autres sphères du judo.